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DU RÈGNE DE SAINT LOUIS

avoit préféré le parti des armes, soit parce qu’il s’étoit permis d’abolir dans ses États quelques privilèges du clergé. Esprit remuant, difficile, inconstant, et n’ayant pu se corriger qu’après avoir éprouvé de grands revers, il ne supportoit pas l’idée de voir une princesse espagnole à la tête des affaires, et préféroit, s’il ne parvenoit pas à se rendre indépendant, reconnoître le roi d’Angleterre pour suzerain. Ses forces étoient considérables, et ses domaines s’étendoient jusqu’à quinze lieues de Paris.

Hugues de Lusignan, comte de la Marche, étoit moins puissant, mais le caractère ambitieux et indomptable de sa femme, Isabelle d’Angoulême, le rendoit un ennemi très-dangereux. La destinée de cette princesse avoit été des plus singulières. Promise, dès sa plus tendre enfance à Hugues de Lusignan qu’elle aimoit, élevée dans la famille de ce prince, au moment de l’épouser, elle avoit été enlevée par Jean-Sans-Terre, roi d’Angleterre, qui l’avoit forcée à recevoir sa main. Après avoir vécu dix-sept ans avec cet époux, et lui avoir donné plusieurs enfans, sa mort la rendant libre, elle revint en France, et se maria bientôt avec celui dont elle avoit reçu les premiers soins. Mais son caractère étoit entièrement changé. Jean-Sans-Terre lui avoit communiqué ses horribles et honteuses passions : on la croyoit capable de tous les crimes. Humiliée, après avoir été longtemps assise sur un des premiers trônes du monde, de n’être que la femme d’un comte, et de ne plus porter que le vain titre de reine, elle avoit voué une haine implacable au jeune Louis et à sa mère, et