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derriere ladite bataille. Et quant les Turcs le virent, ilz se cuiderent esmouvoir à leur venir au devant ; mais quant ilz nous eurent apperceuz gardant le pont, et que nous estions les faces tournées vers eulx, ilz les laisserent passer oultre, doubtans que les fussions allez secourir, ainsi que eussions fait. Et puis je dis au conte de Soissons, qui estoit mon cousin germain : « Sire, je vous pry que vous demourez cy à garder ce poncel, et vous ferez bien ; car si vous le lessez, ces Turcs, que vous voiez là devant nous, viendront frapper parmy ; et ainsi le Roy demourera assailly par darriere et par devant. » Et il me demande, s’il demouroit, si je vouldrois aussi demourer avec lui. Et je lui respons que oy moult voulentiers. Et lors quant le connestable oyst nostre accord, il me dist que je gardasse bien ce passage sans partir, et qu’il nous alloit querir du secour. Et ainsi que j’estoie là sur mon roucin, demourant au poncel entre mon cousin le conte de Soissons à main destre, et messire de Nouille à la senestre, veez-cy venir ung Turc qui venoit de devers l’armée du Roy, et vint par darriere frapper messire Pierre de Nouille d’une grosse masse pesante ung grant coup : tellement qu’il le couscha sur le coul de son cheval, et puis print la cource par à travers du pont, et s’enfuit devers sa gent, cuidant que le voulsissions suivir affin de habandonner le pont, et qu’ilz le peussent gaigner. Et quant ilz virent que nullement ne voulions laisser le poncel, ilz se misdrent à passer le russel, et se demourerent entre le russel[1] et le fleuve. Et quant nous les vismes, nous approchasmes d’eulx en telle maniere que nous

  1. Russel ou ru : ruisseau.