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Massourre, bien se maintenant : et si estoit assez poursuy et pressé de prés. Car ne plus ne mains que les Turcs avoient dés pieça[1] rebouté et chassé le conte de Bretaigne et sa bataille, comme je vous ay devant dit, ainsi reboutoient et chassoient-ilz monseigneur Guyon et sa gent. Mais non pourtant eut-il grant los[2] de celle journée ; car moult vaillamment se porta-il, et toute sa bataille, et n’estoit pas de merveille. Car j’ay depuis ouy dire à ceulx qui savoient et congnoissoient son lignage, et tous ses gensd’armes à peu prés, qu’il n’en failloit gueres que tous ses chevaliers ne fussent de son lignage, et gens qui estoient ses hommes de foy et hommage lige. Parquoy beaucoup plus grant courage avoient-ilz à leur chevetaine.

Aprés que nous eusmes desconfitz les Turcs et chassez hors de leurs herberges, les Beduns[3], qui estoient moult grans gens, se ferirent parmy l’ost aux Sarrazins et Turcs, et prindrent et emporterent tout quant qu’ilz peurent trouver, et ce que avoient laissé les Sarrazins. Dont je fu fort emerveillé ; car les Beduns sont subgectz et tributaires aux Sarrazins. Mais onques ne ouy dire qu’ilz en eussent pis d’iceulx Sarrazins, de chose qu’ilz leur eussent tolluë et pillée. Et disoient que leur coustume estoit de tousjours courir sus aux plus febles, qui est la nature de chiens. Car quant il en y a ung à qui l’autre court, et on y hue, les autres tous lui courent sus.

Et pour ce qu’il affiert à ma matere, je vieulx dire quelque chose, et quelles gens sont que les Beduns.

  1. Dés pieça : depuis long-temps.
  2. Grant los : grande gloire.
  3. Beduns : Bedouins.