Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 1re série, tome 2.djvu/258

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Sarrazins, mes gens m’apporterent de nostre ost une tente que le maistre des templiers, qui avoit l'avant-garde, m’avoit donnée : et la fis tendre à droit des engins que avions gaignez des Sarrazins. Et chacun de nous bien se vouloit respouser. Car bien mestier en avions, pour les plaies et navreures que avions des coups d’icelle piteuse bataille. Mais avant le point du jour on commença en l’ost à crier : « À l’arme! à l’arme! » Et tantoust je fis lever mon chambelan, qui gisoit prés moy, pour aller veoirs que c’estoit. Et ne tarda gueres qu’il ne retournast tout efraié, me criant : « Sire, or sus, or sus. Car veez-cy les Sarrazins à pié et à cheval qui ont ja desconfit les gens que le Roi avoit ordonnez à faire le guet, et à garder les engins des Sarrazins que nous avions gaignez. » Et estoient les engins devant les paveillons du Roy, et de nous autres prouches de lui. Et sur piez me levay, et gicté ma cuirasse sur le dos, et ung chappel de fer sur la teste. Et appellé nos gens, qui, tous bleciex comme nous estions, reboutasmes les Sarrazins hors de devant les engins qu’ilz vouloient rescourre[1]. Et puis le Roy, pour ce que nous ne povions vestir nos haubers, nous envoya messire Gaultier de Chastillon, lequel se logea entre nous et les Turcs, pour estre au devant des engins.

Quant messire Gaultier de Chastillon eut rebouté les Sarrazins par plusieurs foiz, qui vouloient desrober de nuyt les engins que nous avions gaignez, et que les Sarrazins virent qu’ilz n’y povoient riens faire ne sourprandre, ilz se retirerent à une grosse bataille de leurs gens à cheval qui estoient arrengez

  1. Rescourre : recouvrer.