Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 1re série, tome 2.djvu/260

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rent par devant eulx par deux ou par trois foiz. Et arriva à l’une des foiz que ung de noz gens d’armes gecta sa dague à ung de ces Turcs, et lui donna entre les coustes, et emporta la dague en son corps, et en mourut. Quant les autres Turcs virent ce, ilz n’y oserent onques puis acourir. Et adonc noz gens en apporterent toutes les pierres de leurs tandeys. Et desormais fut mon prebstre bien congneu en nostre ost, et lui disoit-on quant on le veoit : « Veez-cy le prebstre qui a tout seul desconfit les Sarrazins. »

Les choses dessusdictes advinrent le premier jour de caresme. Et celuy jour mesmes firent les Sarrazins ung chevetaine nouveau d’un tres-vaillant Sarrazin, ou lieu de leur chevetaine nommé Scecedun, dont il est devant fait mention, qui mourut en la bataille le jour de caresme-prenant : là où semblablement fut occis le bon conte d’Arthois, frere du roy saint Loys. Icelui chevetaine nouveau entre les autres morts trouva le conte d’Arthois, qui avoit esté moult vaillant et preux en icelle bataille, et estoit habillé richement, comme appartenoit à ung prince. Et print ledit chevetaine la cotte d’armes dudit conte d’Arthois ; et pour donner courage aux Turcs et Sarrazins, la leva hault devant eulx, et leur disoit que c’estoit la cotte d’armes du Roy leur ennemy, qui estoit mort en la bataille. « Et pourtant, seigneurs, faisoit-il, bien vous devez esvertuer. Car corps sans chief n’est plus riens, n’aussi armée sans prince ou chevetaine. Et par ce conseille que nous les devons durement assaillir, et m’en devez croire. Et vendredi prouchain les devons avoir, et tous prendre, puis qu’ainsi est qu’ilz ont perdu leur chevetaine. » Et tous s’ac-