Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 1re série, tome 2.djvu/271

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aux bestes sauvaiges, et tous descendirent à pié pour lui faire la reverence et le saluer, cuidans avoir bien fait et estre remunerez de lui. Et il leur respondit malicieusement qu’il ne les saluoit mye, et qu’ilz lui avoient fait perdre sa chasse. Et de fait leur fit coupper les testes.

Or revenons à notre matière, et disons que le Souldan, qui darrenierement estoit mort avoit ung filz qui estoit de l’eage de vingt-cinq ans, moult saige, instruit, et ja malicieux. Et pourtant que le Souldan doubtoit qu’il le voulsist desheriter, ne l’avoit point voulu tenir emprés lui ; mais lui avoit donné un royaume qu’il avoit en Orient. Et tantoust que le Souldan son père fut mort, les admiraulx[1] de Babiloine l’envoierent querir, et le firent leur souldan. Et quant il se vit maistre et seigneur, il ousta aux connestable, mareschaux et senneschaux de son père, les verges d’or[2] et offices qu’ilz avoient, et les donna à ceulx qu’il avoit amenez avecques lui d’Orient. Dont de ce tous furent esmeuz en leurs courages ; et aussi ceulx qui avoient esté du conseil de son père en eurent grant despit, et doubtoient fort qu’il voulsist faire d’eulx, après ce que il leur avoit osté leurs biens, comme avoit fait le Souldan, qui avoit fait mourir ceulx qui avoient prins le conte de Montfort et le conte de Bar, dont j’ay devant parlé. Et pourtant furent-ilz tous d’un commun assentement de le faire mourir : et trouverent faczon que ceulx que on appelloit de la Haulcqua, qui devoient garder le corps du Souldan, leur promisdrent qu’ilz le occiroient.

  1. Admiraulx : émirs.
  2. Les verges d’or : c’étoient des marques de supériorité et de justice.