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de saint loys.

le fruit qu’elle avoit ne perist, elle faisait veiller tout nuyt ung chevalier au bout de son lit, sans dormir ; lequel chevalier estoit viel et anxien, de l’eage de quatre vingtz ans, et plus. Et à chascune foiz qu’elle s’escrioit, il la tenoit parmy les mains, et lui disoit : « Madame n’aiez garde, je suis avecques vous ; n’aiez paeurs.» Et avant que la bonne dame fust acouschée, elle fist vuider sa chambre des parsonnages qui y estoient, fors que de celui viel chevalier ; et se gecta la Royne à genoulz devant lui : et lui requist qu’il lui donnast ung don. Et le chevalier le lui octroia par son serement. Et la Royne lui va dire : « Sire chevalier, je vous requier sur la foy que vous m’avez donnée, que si les Sarrazins prennent ceste ville, que vous me couppez la teste avant qu’ilz me puissent prandre. » Et le chevalier lui respondit, que tres-voulentiers il le feroit ; et que jà l’avoit-il eu en pensée d’ainsi le faire, si le cas y escheoit.

Ne tarda gueres que la Royne acouscha audit lieu de Damiete d’un filz, qui ot nom Jehan, et en son surnom Tristan. La raison estoit, pour ce qu’il avoit esté né en tristesse et en pouvreté. Et le propre jour que elle acouscha, on lui dist que tous ceulx de Pise, de Gennes, et toute la povre commune qui estoit en la ville, s’en vouloit fuir, et laisser le Roy. Et la Royne les fist tous venir devant elle, et leur demanda et dist : « Seigneurs, pour Dieu mercy je vous supply qu’il vous plaise ne abandonner mie ceste ville ; car vous savez bien que monseigneur le Roy, et tous ceulx qui sont avecques luy, seroient tous perduz. Et pour le moins, s’il ne vous vient à plaisir de