Aller au contenu

Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 1re série, tome 2.djvu/316

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
314
histoire

plusieurs foiz. Or disons, quant le Roy arriva en Acre, ceulx de la cité le vindrent recevoir jusques à la rive de la mer, o leurs processions, à très-grant joie. Et bien toust après le Roy m’envoia quérir, et me commanda expressément, sur tant que j’avois s’amour chière[1], que je demeurasse à menger avecques lui soir et matin, jusques à tant qu’il eust avisé si nous en yrions en France, ou deliberé de demeurer là. Je fu logé cheux le curé d’Acre, là où l’evesque dudit lieu m’avoit institué mon logeis, où je fu griefvement malade. Et de tous mes gens ne demouva qu’un seul varlet, que tous ne demourassent au lit malades comme moy ; et n’y avoit ame, qui me resconfortast d’une seulle foiz à boire. Et pour mieulx me resjouïr, tous les jours je veoie apporter par une fenestre qui estoit en ma chambre, bien vingt corps mors à l’église pour enterrer. Et quant je oye chanter Libera me, je me prenois à. pleurer à chaudes larmes, en criant à Dieu mercy, et que son plaisir fust me garder, et mes gens, de celle pestilence qui regnoit, et aussi fist-il.

Tantoust après le Roy fist appeller ses frères, et le conte de Flandres, et tous les autres grans parsonnages qu’il avoit avecques luy, à certain jour de dimanche. Et quant tous furent présens, il leur dist : « Seigneurs, je vous ay envoyé quérir, pour vous dire des nouvelles de France. Il est vray que madame la Royne ma mere m’a mandé, que je m’en voise hastivement[2], et que mon royaume est en

  1. Que j’avois s’amour chière : que j’avois son amour cher, que je mettois du prix à son amour.
  2. Que je m’en voise hastiyement : que je partisse promptement ; voise, de voiser, aller.