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histoire

retournoient, ilz se misdrent à pié, et leur acoururent sus. Et en descendant des rochiers, ilz leur donnoient de grans coups de masses ; et tellement qu’ilz les reboutoient asprement jusques devers le lieu où j’estois. Et quant les gens qui estoient avecques moy virent les meschiefz[1] que les Sarrazins faisoient aux Almans au descendre, et qu’ilz les poursuyvoient tousjours, ilz se commencèrent à effroier, et avoir paeurs. Et je leur dis que s’ilz s’enfuyoient, que je les ferois tous casser, et mectre hors des gaiges du Roy pour jamais. Et ilz me respondirent : « Sire de Jonville, nous avons beaucoup pire que vous. Car vous estes à cheval, pour vous enfuir quant vous vouldrez : et nous autres sommes à pié, et par ce sommes nous en grant dangier d’estre tuez si les Sarrazins viennent jusques cy.» Et lors je me descendi à pié avecques eulx, pour leur donner bon courage : et envoiay mon cheval en la bataille du Temple, qui estoit bien à une grant portée d’arbaleste de nous. Et ainsi comme les Sarrazins chassoient les Almans, là se trouva ung mien chevalier que ung Sarrazin ferit d’un carrel[2] parmy la gorge, et cheut devant moy tout mort. Et alors me dist un chevalier qui avoit nom messire Hugues d’Escossé, oncle de mon chevalier mort ; que je lui allasse aider à porter son neveu aval, pour le faire enterrer. Mais je n’en voulu riens faire ; car le chevalier estoit allé lassus[3] courir avecques les Almans oultre mon gré. Ainsi doncques, si mal lui en estoit prins, que je n’en povoie més. Tantoust que

  1. Les meschiefz : le mal.
  2. Ferit d’un carrel : frappa d’une flèche. Carrel, flèche dont le fer avoit une pointe triangulaire.
  3. Lassus : là haut.