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histoire

sachez que en y avoit aucuns qui estoient infaiz et puans, tant que ceulx qui les pourtoient s’en estoupoient les nées, mais le bon Roy ne le faisoit niye. Et quant nous fusmes arrivez devers lui, il nous avoit desja fait faire nos places et logeis[1].

Durant ces choses, ung jour moy estant devant le Roy lui demanday congié d’aller en pellerinage à nostre Dame de Tourtouze[2], qui estoit ung veage tres-fort requis. Et y avoit grant quantité de pelerins par chacun jour, pour ce que c’est le premier autel qui onques fust fait en l’onneur de la mere de Dieu, ainsi qu’on disoit lors. Et y faisoit nostre Dame de grans miracles à merveilles. Entre lesquelz elle en fist ung d’un pouvre homme qui estoit hors de son sens, et demoniacle ; car il avoit le maling esperit dedans le corps. Et advint par ung jour qu’il fut amené à icelui autel de nostre Dame de Tourtouze. Et ainsi que ses amys, qui l’avoient là amené, prioient à nostre Dame qu’elle lui vouloist recouvrer santé et guerison, le deable, que la pouvre créature avoit ou corps, respondit : « Nostre Dame n’est pas icy ; elle est en Egipte pour aider au roy de France et aux Chrestiens qui aujourd’hui arrivent en la Terre sainte contre toute paiennie, qui sont à cheval.» Et fut mis en escript le jour que le deable profera ces motz, et fut apporté au legat qui estoit avecques le roy de France : lequel me dist depuis que à celui jour nous estion arrivez en la terre d’Egipte. Et suis bien certain que la bonne Dame Marie nous y eut bien besoing[3].

Le Roy tres-voulentiers me donna congié d’aller à

  1. Voyez les variantes.
  2. Tourtouze : Tortose.
  3. Nous y eut bien besoing : nous fut d’un grand secours.