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de saint loys.


Or revenons au proupoux[1], là où nous estions en la mer : et disons que quant le Roy vit que nous fusmes eschappez de ces deux grans perilz, il se leva sur le ban de la nef, et estois là present devant lui. Lors il me va dire : « Or regardez, senneschal, si Dieu ne nous a pas bien monstré son grant povoir, quant, par ung seul des quatre vens de mer, le Roy, la Royne, ses enfans, et tant d’autres parsonnages ont cuidé estre noiez ? Pourtant je lo[2] que grans graces lui en devons nous bien rendre.»

Le bon saint Roy ne se povoit taire de me parler du dangier en quoy nous avions esté, et comment Dieu nous avoit bien monstré sa grant puissance. Et me disoit : « Senneschal, quant telles tribulacions adviennent aux gens, ou autres fortunes de maladies, les saints disent que ce sont les menasses de Nostre Seigneur. Et par ce je dy, faisoit le bon Roy, que les dangiers là où nous avons esté, sont des menasses de nostre Seigneur, qui peult dire : “Or voiez-vous bien que je vous eusse tous lessez noier et periller, si j’eusse voulu.” Parquoy, disoit le bon Roy, que nous devons bien regarder qu’il n’y ait en nous chose qui deust desplaire à Dieu nostre createur. Et si toust que nous y trouvons aucune chose à son desplaisir, nous la devons incontinant ouster et mectre hors. Et si ainsi le faisons, il nous aymera moult, et nous gardera tousjours des dangiers. Aussi si nous faisons le contraire, aprés qu’il nous aura

    sœur de Philippe-le-Bel. Cette princesse fut mariée à Rodolphe, duc d’Autriche, depuis roi de Bohême, fils de l’empereur Albert 1er . L’entrevue entre Philippe et Albert eut lieu près de Toul, en 1299.

  1. Proupoux : propos.
  2. Je lo : je conseille, je suis d’avis.