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variantes

siéme fois. Et quant le roy de Tartarie eust devers lui six-vint des plus grans capitaines, et des plus riches et puissans hommes de la cité, il se pensa bien que le demourant n’estoit que menu peuple, qui ne pourroit grandement resister, ne soi deffendre. Parquoi il fit coupper la teste à tous ces six-vint personnages qu’il avoit devers lui, et puis assaillit la ville asprement, et la print, et le caliphe leur seigneur aussi. Quant il eut la ville en sa puissance, il voulut couvrir sa desloyauté et trahison, mettant le blasme sur le caliphe, lequel il fit mettre en une cage de fer, et la le fit jeusner tant qu’il peut, jusques à l’extréme nécessité. Et puis s’en vint a lui le roy de Tartarie, et lui demanda s’il avoit point faim de manger : et le Caliphe lui respondit qu’ouy vraiement, et que ce n’estoit pas sans cause. Lors le roy de Tartarie lui fit apporter et presenter devant lui un grant tailloüer[1] d’or tout chargé de joiaux et pierres precieuses ; et le Roy lui demanda : « Caliphe, connois-tu point ces joiaux et ces grans tresors que tu voi devant toi ? » Et il respondit qu’ouy, et que d’autrefois avoient-ils esté siens, et en sa puissance. Et de rechef le Roy lui demanda s’il aimoit bien ces grans joiaux ? Et le caliphe lui respondit qu’ouy. Or fit le roy de Tartarie : « Puisque tu aimes tant les tresors, si en prens ce que tu voudras, et en mange pour appaiser ta faim.» Le caliphe lui respondit que ce n’estoit pas viande à manger. Lors lui dit le roy de Tartarie : « Or à present peus-tu voir ta grande faute : car si tu eusses donné de tes tresors, que tu tenois si chers, à tes gens d’armes pour les soudoier, tu te fusses bien deffendu contre moy : mais

  1. Tailloüer : bassin.