Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 1re série, tome 2.djvu/64

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
62
TABLEAU

qui pense que leur puissance, partagée par un corps nombreux et respectable, essentiellement contraire à l’esprit guerrier, aux violences et aux excès qui en sont le résultat, a seule conservé, dans l’Europe féodale, ces chaînes secrètes sans lesquelles la société humaine ne peut exister[1].

Cette suprématie de l’Église romaine étant la loi du siècle, et se trouvant reconnue par tous les princes chrétiens, dans les momens même où elle les frappoit, il ne s’agit, en examinant les démêlés de la cour de Rome avec Frédéric II, et la conduite tenue par le roi de France dans cette affaire, que de rappeler les actions des deux rivaux, et de chercher, au milieu de leurs excès, lequel avoit pour lui la justice, d’après l’esprit et les préjugés du temps ; unique manière de répandre de la lumière sur les points obscurs de l’histoire, et de conserver l’impartialité qui doit toujours la caractériser.

Frédéric II, doué de plusieurs qualités éminentes, aimant les lettres, protégeant ceux qui les cultivoient, digne, sous plusieurs rapports, de gouverner un grand Empire, étoit en même temps dévoré d’une ambition

  1. Dans le moyen âge, dit M. Ancillon, où il n’y avoit point d’ordre social, la puissance des papes sauva peut-être l’Europe d’une entière barbarie : elle créa des rapports entre les nations les plus éloignées ; elle fut un centre commun, un point de ralliement pour les États isolés Ce fut un tribunal suprême, élevé au milieu de l’anarchie universelle, et dont les arrêts furent quelquefois aussi respectables que respectés : elle prévint et arrêta le despotisme des empereurs, remplaça le défaut d’équilibre, et diminua les inconvéniens du régime féodal. » (Introduction au Tableau des révolutions du système politique de l’Europe, depuis la fin du quinzième siècle, pages 133 et 157.)