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DU RÈGNE DE SAINT LOUIS

deux entrevues avec le Pape, et sans doute les intrigues de Frédéric, qui s’étoit fait en France un grand nombre de partisans, irritèrent les seigneurs, et les portèrent à former une association qui donne une idée fort juste de l’esprit du temps. On a vu que, depuis plusieurs siècles, les tribunaux ecclésiastiques avoient considérablement étendu leurs attributions, ce qui étoit alors un bien plutôt qu’un mal, parce que du moins ces tribunaux ne permettoient jamais le combat, tandis que les juridictions seigneuriales abandonnoient tout au hasard et à la force : décisions sanglantes qu’on appeloit bien faussement le jugement de Dieu. Les barons, sous le prétexte de faire revivre leurs anciens privilèges, dressèrent un acte par lequel, après avoir commencé par se plaindre de ce que les enfans des serfs jugeoient suivant leurs lois les hommes libres, et avoir considéré que le royaume de France n’avoit pas été conquis par des clercs, mais par des guerriers, ils défendirent expressément que qui que ce fût, clerc ou laïque, appelât quelqu’un devant un juge ecclésiastique, excepté pour cause d’hérésie, de mariage ou d’usure, sous peine de la confiscation des biens, et de la mutilation d’un membre. Une commission permanente, composée du duc de Bourgogne, du comte Pierre de Bretagne, du comte d’Angoulême, et du comte de Saint-Paul, fut chargée de l’exécution de cet acte : et cette commission eut même le pouvoir de juger de la validité d’une excommunication.

Les emportemens et l’inflexibilité du Pape déterminèrent Louis à ne pas s’opposer à cette association. Innocent fort irrité, menaça les seigneurs : ce fut