Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 1re série, tome 33.djvu/131

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parts de son Estat, faisant tous les deux ans faire un grand navire de guerre ; et font estat tels vaisseaux de ne trouver rien en mer qui leur puisse résister. Voilà les bastimens et palais que la reyne d’Angleterre a commencé depuis son advenement à la couronne, et lesquels elle continue. Elle a encore une autre sorte de prudente libéralité, qui est de ne rien espargner pour sçavoir des nouvelles des princes estrangers. Et a cela de particulier, qu’elle preste plustost gratuitement que d’emprunter à aucuns changes ou înterests.

Et si l’on la voulu taxer faussement d’avoir de l’amour, je diray avec vérité que ce sont inventions forgées de ses malveillans et es cabinets des ambassadeurs, pour degouster de son alliance ceux ausquels elle eust esté utile. Et si elle eust aimé le comte de Leicester, comme l’on a voulu dire, et qu’elle eust oublié l’amour de tous ses autres sujets et des princes estrangers qui l’ont recherchée, qui l’eust empeschée d’espouser ledict sieur comte de Leicester, veu que presque tous les estats de son royaume, et mesme les roys et princes ses voisins, l’en ont requise et luy en ont fait instance, ou de se marier à tel autre de ses sujets qui luy plairoit ? Mais elle m’a dict infinies fois, et longuement auparavant que je fusse résident auprès d’elle, que pour sa vie elle ne se voudroit marier qu’à un prince de grande et illustre maison et tige royale, et non moindre que la sienne, plus pour le bien de son Estat que par affection particulière, et que si elle pensoit que l’un de ses sujets fust si présomptueux que de la désirer pour femme, elle ne le voudroit jamais voir, mais, contre son naturel, qui ne tenoit rien de la cruauté, elle luy feroit un mauvais tour. De sorte