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un jour, sans pardonner aux sepulchres des roys[1] et de nos peres.

Voilà, mon fils, les beaux fruits que produisoit cette guerre civile, et tout ce qu’elle produira quand nous serons si malheureux que d’y rentrer, comme nous en suivons le chemin. Donc, par le moyen de la paix, l’artisan qui avoit délaissé son mestier pour se faire brigand et voleur, retournoit à sa boutique, le marchand à son commerce, le laboureur à sa charrue, le magistrat en son siège ; et par conséquent chacun en son office jouissoit d’un repos avec une grande douceur, après avoir gousté l’amertume et le fiel de la guerre civile, qui n’avoit esté de cent ans en France plus cruelle. Or, tout ainsi qu’un sage medecin, pour guérir un malade qui est travaillé d’une fièvre ardente, le fait reposer premierement, ainsi estoit-il nécessaire de donner relasche à la France, en ostant les guerres civiles, afin de guerir l’Estat de tant de maladies, ulceres et cruelles douleurs dont il estoit accablé : ce que j’ay bien voulu toucher en passant, pour respondre à ceux qui vouloient donner blasme à la Reyne, mere du Roy, et à ceux du conseil qui estoient pour lors, d’avoir accordé l’edict de pacification, et à la cour de parlement de l’avoir vérifié.

Mais les moins passionnez d’une part et d’autre estimoient qu’il estoit necessaire, tant pour les raisons susdites, que pour la crainte que l’on avoit des Anglois, lesquels ne se contentoient pas du Havre de Grace, qu’ils tenoient comme un héritage de bonne conqueste, ains desiroient et taschoient de s’advancer

  1. Sans pardonner aux sepulchres des roys. Les protestans détruisirent à Cléry le tombeau de Louis XI. et brûlèrent son corps.