Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 1re série, tome 33.djvu/304

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se couvrir : ce qui est remarquable en ce siège, n’estant lesdites tranchées couvertes que de quelques sacs de laine, ou de sable mouillé, comme la marée donnoit de sept en sept heures dans les tranchées qui estoient de huit cens pas tout le long du rivage de la mer, depuis le boulevart Saincte-Adresse, où furent tirées plusieurs pieces de la ville, qui firent grand dommage aux nostres, et n’ay jamais veu tranchées, ny artillerie logée en lieu où il fist plus chaud.

Enfin les Anglois, se sentans pressés, mirent le feu à des moulins à vent qui estoient près de leur porte, et abandonnèrent la palissade et leurs tranchées, où l’une des enseignes colonelles de d’Andelot s’alla incontinent loger. Richelieu[1], maistre de camp, y fut blessé d’une arquebusade à l’espaule, dont il mourut despuis, estant un fort brave gentilhomme : chacun se rendit fort diligent à bien faire ; et mesme les plus frisez de la Cour, desarmez, mesprisans tout péril, se trouvoient souvent aux tranchées.

Le mareschal de Montmorency, fils aisné du Connestable, fit élever comme une plate-forme, où il fit asseoir quatre pièces d’artillerie joignant la palissade pour battre en plusieurs endroits de la courtine, qui n’avoit ny fossé au dehors, ny contrescarpe au dedans qui valussent, ce qui estonna encore davantage les assiegez. Le mareschal de Brissac, qui estoit fort vieil, et incommodé de la goutte, et l’un des plus sages et expérimentez capitaines de France, alla voir ces ouvrages, qu’il estima beaucoup, esmerveillé de voir un tel

  1. Richelieu. François du Plessis, surnommé le Sage. Il fut grand-oncle du cardinal de Richelieu.