Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 1re série, tome 33.djvu/41

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Ordre, jusques à la mort du roy Henry deuxiesme, il avoit tousjours esté en très-grande estime. Aussi que, par le statut dudit Ordre, il estoit expressement defendu d’exceder le nombre de trente-six, pour le danger inevitable qu’il y avoit que la trop grande multitude n’en apportast le mespris, et qu’enfin il fust aneanty du tout, comme il advint au temps de Charles sixiesme, qui fit tant de chevaliers de l’Estoile Sainct-Ouin, que son successeur Charles septiesme fut contraint de le supprimer, faisant porter l’estoile aux archers de Paris ; ce qui fut cause que tous les chevaliers quitterent cet Ordre. Et depuis il en fut estably un nouveau par ledit Louis unziesme, comme j’ay ci-devant dit, ainsi que nous voyons qu’il s’est fait par le roy Henry troisiesme, à present regnant, un ordre du Sainct-Esprit, que plusieurs pensent une suppression tacitement faite de l’ordre Sainct-Michel. Et combien que ceux de Guise pensassent, en faisant donner l’Ordre à plusieurs seigneurs et gentils-hommes qui le meritoient, mire autant de bons amis, si est-ce qu’ils en perdoient d’autres, pour n’avoir eu semblable honneur. Mais depuis il s’en est tant fait du temps du roy Charles neufiesme, que l’Ordre en a esté mesprisé et delaissé, tout ainsi que les senateurs romains laisserent les anneaux d’or, qui estoient enseignes de la noblesse, voyans qu’un esclave affranchy avoit obtenu cet honneur. Les dames nobles laisserent aussi les ceintures dorées, quand elles les virent si communes que les mal-vivantes les portoient : de là vint le proverbe qui dit que mieux vaut bonne renommée que ceinture dorée ; car tousjours les estats et honneurs par trop communiquez sont mesprisez.