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SUR DU GUESCLIN.

charge à soy même, se voyant tout seul sans avoir plus aucuns ennemis à combattre : il s’avisa d’un stratagême pour rompre ses liens. Une fille de chambre avoit ordre de luy porter à manger deux fois tous les jours ; il eut l’adresse de l’enfermer dans sa même chambre, et d’en emporter la clef, de peur qu’elle ne révélât l’évasion qu’il méditoit de faire ; il courut aussitôt à la campagne, et détacha d’une des charrües de son père une jument sur laquelle il monta, se moquant du chartier, qui courut après luy pour l’en faire descendre, et galopa jusqu’à Rennes sans selle et sans bride, pour se réfugier chez une de ses tantes, qui luy fit un fort méchant accueil, ayant appris toutes les jeunesses qu’il avoit faites auprés de ses parens, et toute la mauvaise satisfaction qu’il leur avoit donnée dans sa conduite. Le mary de cette dame n’aprouva pas cette vesperie, luy représentant que les jeunes gens avoient toujours une gourme à jetter, que ces sortes de saillies se rectifioient avec l’âge, et que tous ces mouvemens, quoyque déréglez dans le commencement, venans à se tempérer dans la suite, rendoient l’homme capable des plus grandes choses ; il ajouta qu’il ne trouveroit point mauvais qu’il demeurât auprès d’eux pour en faire leur éleve, et qu’il se promettoit que cet enfant ayant tant de feu, pourroit devenir un jour un grand capitaine, si l’on luy laissoit suivre le penchant qu’il avoit pour les armes.

Ce fut dans cet esprit que pour cultiver en luy ce naturel guerrier, il le faisoit souvent monter à cheval avec luy, luy faisoit faire de longues traites tout exprés pour l’endurcir davantage au travail ; et Bertrand encherissoit encore sur ce que son oncle desiroit de