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SUR DU GUESCLIN.

luy fit sauter le casque à bas. Il frappa ce coup avec tant de roideur qu’il jetta par terre le cheval et le chevalier. Le premier en mourut à l’instant ; et l’homme demeura longtemps pâmé sur la place sans pouvoir reprendre ses sens, et quand il fut revenu de ce grand étourdissement, il demanda le nom de son vainqueur : mais on ne luy pût donner là dessus aucun éclaircissement, parce que le casque qui couvroit la tête de Guesclin ne permettoit pas à personne de le reconnoître. Il arriva pour lors une conjoncture fort heureuse pour Bertrand, et qui fit voir à tout le monde la bonté de son naturel, car son pere, qui ne le connoissoit point au travers de son armûre de tête, voulant vanger l’affront de celuy qui venoit d’être terrassé, se présenta pour faire un coup de lance contre luy, mais Bertrand, qui reconnut les armes de sa maison sur l’écu de son père, jetta aussitôt par respect la sienne par terre.

Tous les spectateurs furent également surpris d’une contenance si contraire à celle qu’il venoit de faire eclater. Son père, qui s’imaginoit que sa seule crainte avoit toute la part à cette action, fut bien détrompé quand il le vit aussitôt mesurer ses forces avec un autre, auquel il fit perdre les étriers, et qu’il atteignit sur la tête avec tant de roideur, qu’il luy fit voler son casque à plus de dix pieds de là. Toute l’assemblée battit aussitôt des mains, applaudissant à ce généreux avanturier, dont ils ne connoissoient ny le nom, ny la personne ; mais ce fut un redoublement de joye, particulièrement pour son père, quand Guesclin leva la visière devant tout le monde pour se donner à connoître. Il courut pour embrasser ce cher enfant qui luy