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SUR DU GUESCLIN.

Rennes, mais il ne le pouvoit faire sans honte, et d’ailleurs il avoit fait serment de ne point décamper de là qu’il n’eût arboré les leopards d’Angleterre sur les remparts de Rennes. Il falut donc chercher quelque expédient pour luy faire lever le siège sans trahir son serment. Bertrand le trouva sur l’heure, en luy représentant qu’il pouvoit entrer luy dixiême dans Rennes, et monter sur les murs de la ville pour y planter son étendard, et que les assiégez luy ouvriroient volontiers leurs portes, pour luy donner lieu d’accomplir son serment.

Le Duc entra volontiers dans la pensée de Guesclin, ne demandant qu’à se tirer d’affaire. Le jour fut marqué pour l’exécution de cette belle cérémonie. Bertrand et le gouverneur firent publier par toute la ville que chacun se tint prêt pour recevoir le duc de Lancastre, et comme ils apprehendoient qu’il ne découvrît leurs besoins et le peu de vivres qui leur restoit pour soutenir encore le siège long temps, il fut ordonné soûs de grosses peines, que chaque bourgeois étaleroit à sa porte tout ce qu’il avoit de viande, de bled, de poisson et d’autres denrées, à la pointe du jour, et que si quelqu’un d’entr’eux étoit assez hardy pour en receler la moindre chose, on luy confisqueroit tous ses biens, et l’on s’assûreroit de sa personne. Cet ordre fut si ponctuellement exécuté, que quand le Duc entra dans Rennes avec son petit cortège, il fut surpris de voir tant de vivres dans cette place, et perdit l’envie de rester devant plus long temps. Le gouverneur de Rennes, Bertrand et les officiers les plus distinguez de la garnison reçurent ce prince avec tout le respect dont ils furent capables,