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ANCIENS MÉMOIRES

ce fût une injustice de mettre à ce prix la liberté d’un chevalier, qui ne s’étoit livré comme otage, que sous la bonne foy d’être délivré sans rançon de même que les autres.

Felleton tâcha de luy remettre l’esprit là dessus, en le suppliant de ne point gâter son affaire par quelque discours indiscret, et luy promit qu’il partiroit incessamment pour se rendre à la Cour de Jean de Monfort, et ménager sa delivrance. Mais ayant laissé passer un mois tout entier sans se mettre en chemin, Guesclin le pressa tant là dessus qu’enfin Felleton se rendant à ses sollicitations alla trouver le comte son maître pour le pressentir sur ce qu’il avoit envie de faire de Bertrand, Il n’eut pas là dessus toute la satisfaction qu’il en attendoit ; car au lieu de luy donner de bonnes paroles en faveur de son prisonnier, il luy déclara nettement que bien loin de penser à luy donner la clef des champs, il avoit dessein de luy faire passer la mer, et de l’envoyer en Angleterre, pour l’y tenir sous sûre garde, ne voulant pas déchaîner un lion, qui seroit capable de le devorer si ses liens étoient une fois rompus. Felleton de retour ne voulut point dissimuler à Bertrand une nouvelle si fâcheuse, et tâcha de le consoler de son mieux en luy representant que peut-être les choses tourneroient mieux à l’avenir, et que son maître faisant un retour d’esprit sur l’iniquité de sa conduite à son égard, luy rendroit peut-être justice plutôt qu’il ne pensoit.

Bertrand ne se paya point de cette monnoye, mais songea deslors à tenter toutes les voyes imaginables pour recouvrer sa liberté, se persuadant qu’il étoit permis, sans blesser son honneur et sa conscience,