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Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 1re série, tome 4.djvu/318

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SUR DU GUESCLIN.

qu’il employoit pour s’en défaire, ne faisoit aucun effet sur elle, parce que sçachant le dessein qu’on avoit de la faire mourir, elle prenoit toutes les précautions nécessaires pour se garantir d’un empoisonnement. Marie de Padille, maîtresse de Pierre, mit dans l’esprit de ce prince de l’éloigner tout à fait de la cour, et de luy donner un établissement dans quelque province, afin qu’on ne la vît jamais, et que cette absence, sans esperance de retour, fît le même effet que sa mort. Pierre, éperdüment amoureux de cette concubine, suivit son conseil. Il confina cette princesse dans la province la plus éloignée de la Cour, et luy donna quelque apanage pour soutenir sa qualité de Reine, n’osant pas aigrir ses peuples contre luy, s’il eût osé la réduire publiquement à l’état d’une condition privée. Ce domaine que Blanche avoit eu pour partage, luy procura les hommages de tous ses vassaux qui relevoient de sa seigneurie.

Un riche juif avoit des terres enclavées dans le département de la Reine. Il se rendit à sa cour pour s’aquiter, comme les autres, de son devoir de sujet auprés d’elle, et comme c’étoit la coutûme de ce temps là de donner par respect un baiser à la joüe de son souverain, pour marquer le zele et l’affection qu’on auroit toute sa vie pour son service, ce juif approcha de la Reine pour la salüer comme sa dame et sa maîtresse ; elle ne put pas se defendre de recevoir de luy cette marque de servitude comme étant son sujet ; mais après qu’il fut sorty de sa chambre, elle témoigna l’horreur qu’elle avoit pour cette ridicule cérémonie, reprochant à ses domestiques le peu de soin qu’ils avoient eu d’empêcher que ce vilain ne l’appro-