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ANCIENS MÉMOIRES

leur donnons de l’argent. Le Pape, qu’il alla trouver aussitôt, fut bien étonné[1] de ce compliment qu’il luy fit de leur part, disant que c’étoit bien assez qu’il leur accordât gratuitement l’absolution, que les autres avoient accoûtumé de payer, sans être encore obligé de tirer de l’argent de sa bourse pour acheter d’eux l’exemption du pillage et des brigandages.

Cependant, après avoir bien meurement pesé le tout, il convint de leur faire toucher cent mille livres ; car Bertrand s’étoit contenté de recevoir seulement la moitié de la somme qu’on avoit demandée. Le Pape tint conseil là dessus, et ne voulant aucunement contribuer du sien, s’avisa d’assembler les plus notables bourgeois d’Avignon, pour leur représenter le peril qui les menaçoit, et dont ils ne se pouroient garantir qu’en se saignans tous ; qu’il falloit donc faire incessamment une capitation dans la ville, et cotiser chaque particulier pour faire la somme que l’on exigeoit d’eux le couteau sur la gorge. Le Saint Père croyait qu’en faisant cette démarche, et donnant ses ordres et toute sa vigilance pour lever cet argent, les soldats de l’armée de Bertrand vivroient avec discipline, et seroient fort retenus et fort réservez ; mais il fut bien surpris quand il apperçut, des fenêtres de son palais, qu’ils prenoient sur les pauvres païsans, vaches, moutons, bœufs et volailles, portans leurs mains ravissantes sur

  1. Ce tint le Pape à grant merveilles : « On a accoustumé, ce disoit il, de nous donner grans dons d’or et d’argent en la cité d’Avignon pour absoldre les gens. Et il convient que nous absoillons ceux-cy à leur devise. Et encor que nous leur donnions du nostre, c’est bien contre raison. » (Ménard, p. 177.)