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ANCIENS MÉMOIRES

reprimande à celuy qui se mettoit en devoir de la luy delivrer, et jura qu’il n’en vouloit pas manier un sol, parce que c’étoit le plus pur sang du peuple qu’on avoit tiré de ses veines, et que le traité n’auroit aucun lieu, si le Pape ne fournissoit cet argent de son propre tresor, et ne faisoit restituer à chacun des bourgeois d’Avignon ce qu’on avoit extorqué de luy. Si bien que pour pacifier toutes choses, il falut que Sa Sainteté payât de son propre fonds toute la taxe dont on étoit convenu, sans qu’il en coûtât un denier aux autres, qu’il fut obligé de rembourser chacun de tout ce qu’il avoit avancé.

Cette foule de vagabonds, ou plûtôt cette armée de brigands, n’ayant plus de pretexte assez specieux pour prendre racine sur les terres de l’Église, rebroussa chemin du côté de Thoulouze, où le duc d’Anjou faisoit sa residence et tenoit sa Cour. Ce prince cajola si bien Bertrand et tous les generaux qui portoient les armes sous luy, qu’il les engagea d’aller en Arragon pour assister Henry contre le roy de ce pays, nommé Pierre le Cruel, qui n’avoit aucuns bons sentimens pour la religion chrétienne, mais dont tout le penchant étoit tourné du côté du judaïsme, dont il faisoit une profession secrette, et qui, d’ailleurs, étoit devenu l’horreur et l’execration de toute l’Europe, par le meurtre qu’il avoit commis en la personne de la reine Blanche de Bourbon, sa femme, qu’il avoit inhumainement sacrifiée à la haine que sa concubine avoit pour cette belle et sainte princesse. Ce Duc exagéra ce crime avec tant de force, et pressa si fort Bertrand de le venger, que ce general luy promit de tout hasarder pour ôter la couronne d’Arragon de dessus la tête