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ANCIENS MÉMOIRES

de nier un fait plus clair que le jour, dont il marqua tout le détail et toutes les circonstances avec tant d’évidence qu’Henry ne put douter qu’ils ne fussent tous deux complices du même attentat. Bertrand, pour vuider ce different, declara qu’il seroit à propos de les faire tous deux combattre en champ clos, et que celuy qui seroit victorieux de l’autre, seroit reconnu le plus innocent. Henry donna les mains à la proposition de Guesclin, marqua le jour, l’heure, et le lieu que le düel se devoit faire entre ces deux Juifs. Ce prince voulut être le spectateur de ce combat ; toute sa cour eut la même curiosité. Tous les bourgeois de la ville montèrent en foule sur les murs pour joüir du plaisir de voir aux mains ces deux miserables qui furent amenez au champ désigné. Bertrand fut preposé pour veiller à ce que tout se passât dans ce combat singulier sans aucune supercherie ny de part, ny d’autre. Comme il avoit quelque predilection pour Turquant plûtôt que pour Daniot, il dit au premier que s’il pouvoit tüer son homme, il luy procureroit sa grâce. En effet le dernier avoit une mine si patibulaire que tout le monde le condamnoit déjà par avance.

Quand on eut fermé le champ de barrieres, on les y fit entrer tous deux, armez de pied en cap et fort avantageusement montez. Ils s’éloignerent de concert pour courre l’un sur l’autre avec plus de force et d’impetuosité. Ils en vinrent, de part et d’autres, aux approches avec une égale furie, se déchargeans d’horribles coups l’un sur l’autre. Turquant fit un si grand effort contre Daniot, qu’il luy perça le bras de son épée, dont le pré fut tout ensanglanté, luy repro-