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SUR DU GUESCLIN.

crainte de tomber dans les mains des Anglois, dont l’intrepidité les étonnoit beaucoup : si bien que toute cette armée qui paroissoit si formidable, se dispersa toute d’elle même, et fut tout à fait dissipée. Gautier Hüet tüa plus de trente Espagnols dans l’eau, qu’il assommoit à coups de haches, et les faisoit plonger dans le fonds de la rivière, afin qu’ils n’en pussent échapper. Henry voyant toute cette déroute ne sçavoit quel party prendre, et ne pouvoit fuir sans être bientôt apperçû. C’est ce qui l’obligea de faire toûjours bonne mine, et de rester sur le champ de bataille en attendant quelque favorable occasion de se dégager. Quand Bertrand eut appris la lâcheté des Espagnols, qui bien loin de rendre aucun combat, avoient aussitôt pris la fuite, il fit convenir le Besque de Vilaines qu’il ne s’étoit pas trompé dans le pressentiment qu’il en avoit eu, mais comme il apprehendoit qu’Henry ne tombât dans les mains de Pierre, qui l’auroit fait cruellement mourir, il partit aussitôt de la main pour le chercher et le tirer du danger dans lequel il pouvoit être, et fendant la presse à grands coups d’épée se fit jour au travers des troupes ennemies pour joindre ce prince, et prenant son cheval par la bride, il le tira de la mêlée, luy disant qu’il eût à se sauver au plûtôt, parce que tout étoit perdu (les vingt mille Espagnols ayant lâché pied pour se jetter les uns dans la riviere, et les autres dans le fonds des bois, comme il l’avoit bien preveu) ; qu’il se devoit souvenir que le comte d’Aine luy avoit attiré tout ce malheur pour n’avoir pas voulu suivre son sentiment, en s’opiniâtrant de combattre des gens que la famine alloit contraindre de se rendre à eux, la