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ANCIENS MÉMOIRES

qu’il luy parloit sincèrement, luy fit une autre proposition qui ne tendoit qu’à luy concilier l’amour de ses sujets. Il luy déclara qu’il étoit à propos de les raprivoiser en mangeant avec eux et leur faisant toutes les honnêtetez qu’un bon prince fait à ses peuples. Pierre n’osa pas aller contre le torrent, et fit paroître qu’il étoit ravy d’entrer dans cet expédient, qui luy pouroit ramener l’esprit de ses vassaux ; mais dans le fonds du cœur, il se promettoit d’en tirer une vengeance fort sanglante, quand le prince de Galles se seroit retiré, regrettant le présent qu’il luy avoit fait de sa riche table, et disant entre ses dents qu’il étoit bien fâché de s’être, en sa faveur, dépoüillé d’un si grand trésor. Cependant il luy falut faire bonne mine et soûtenir un personnage qui ne luy plaisoit gueres. Aussitôt qu’il fut entré dans Burgos avec le prince, toutes les bourgeoises, qui connoissoient le mauvais fonds de Pierre, qui ne sçavoit ce que c’étoit que de pardonner, vinrent au devant de luy le mouchoir dans les mains et les larmes aux yeux, pour luy faire perdre tout le ressentiment qui luy pouvoit rester dans le cœur contre la ville de Burgos, qui s’étoit, contre son gré, soumise à l’obeïssance de son ennemy.

Le prince, pour cimenter davantage la paix qu’il vouloit ménager entre le Roy et ceux de Burgos, le mena jusqu’à la cathédrale, et voulut, après une messe solemnelle qu’il luy fit entendre avec luy, qu’il fît serment sur plusieurs reliques dont Charlemagne avoit autrefois fait don à cette église, et sur le corps même de l’apôtre saint Jaques, qui reposoit, à ce que les Espagnols prétendent, dans ce temple, que jamais il n’auroit contre les bourgeois de Burgos aucun res-