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ANCIENS MÉMOIRES

que c’étoit un coup sûr qu’il seroit bientôt élargy pour fort peu de chose, et qu’il avoit ordre de le mener à l’instant devant luy pour ce même sujet. Bertrand leur témoigna beaucoup de joye de ce qu’enfin le prince avoit pour luy des sentimens si genereux ; mais que pour sa rançon, bien loin de donner de l’argent, il n’avoit ny denier ny maille pour se racheter, et que même il avoit emprunté dans Bordeaux plus de dix mille livres qu’il avoit depensé dans sa prison, dont il auroit beaucoup de peine à s’aquiter. Ces deputez eurent la curiosité de luy demander à quel usage il avoit pu tant employer d’argent ? A boire, à manger, à joüer, à faire quelques largesses et quelques aumônes, leur répondit-il, en les assurant qu’il ne seroit pas plûtôt mis en liberté que ses amis ouvriroient leur bourse pour le secourir. L’un d’eux luy dit qu’il s’étonnoit comment il avoit si bonne opinion de ceux qu’il croyoit ses amis, et qui, peut-être, luy pouroient bien manquer au besoin. Bertrand luy témoigna qu’il étoit de la gloire d’un brave chevalier de ne jamais tomber dans le découragement et le desespoir pour quelque mauvaise fortune qui luy pût arriver, et de ne se jamais rebuter au milieu des plus grandes disgraces.

Après avoir tenu tous ces propos ensemble, ils arriverent au palais du prince de Galles, auquel ils presenterent Guesclin, vêtu d’un gros drap gris et mal propre, comme un prisonnier qui, dans son chagrin, ne daigne pas prendre aucun soin de sa personne. Olivier de Clisson, Chandos, le comte de Lisle, le senechal de Bordeaux, Hugues de Caurelay, le sire de Pommiers et beaucoup d’autres chevaliers étoient dans