Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 1re série, tome 4.djvu/456

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
451
SUR DU GUESCLIN.

donnoit la carte blanche, et qu’il n’avoit qu’à voir ce qu’il vouloit payer de rançon. Guesclin luy representa que ses facultez étant fort petites et fort minces, il ne pouvoit pas faire un grand effort pour se racheter ; que sa terre étoit engagée pour quantité de chevaux qu’il avoit acheté, et que d’ailleurs il devoit dans Bordeaux plus de dix mille livres ; que s’il luy plaisoit enfin le relâcher sur sa parole, il iroit chercher dans la bourse de ses amis dequoy le satisfaire. Le prince touché de ses reparties si honnêtes, si sensées et si judicieuses, luy déclara qu’il le faisoit luy même l’arbitre de sa rançon ; mais il fut bien surpris quand Bertrand, au lieu de n’offrir qu’une modique somme, voulut se taxer à cent mille florins, que l’on appelloit doubles d’or, et regardant tous les seigneurs qui l’environnoient, il dit : Cet homme se veut gaber de moy. Bertrand, craignant qu’il ne s’offensât, le pria de le mettre donc à soixante mille livres. Le prince en convint volontiers. Guesclin, comptant sur sa parole, luy fit connoître que le payement de cette somme ne l’embarrasseroit pas beaucoup, puisque les roys de France et d’Espagne en payeroient chacun la moitié ; qu’Henry, qu’il avoit servy jusqu’alors avec tant de zele et tant de succés, ne balanceroit pas à sacrifier toutes choses pour le tirer d’affaire et le mettre en état de reprendre les armes pour luy ; que le roy de France auroit tant de soin de le tirer de ses mains, que si ses finances étoient épuisées il feroit filer toutes les filles de son royaume afin qu’elles gagnassent dequoy le racheter. Le prince de Galles ne put dissimuler l’étonnement que luy donna l’assurance de cet homme, et confessa qu’il l’auroit quité pour dix mille livres.