Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 20.djvu/200

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et blessèrent quantité des nôtres. M. de Nérestan et moi, nous rencontrâmes un lieu que l’on n’avoit pas encore retranché, pour faire passer le charroi ; de sorte que sans peine ni résistance nous y entrâmes, et notre bataillon, partie par cette ouverture, partie montant dessus le retranchement pour passer. Mais à peine étions-nous passés cent hommes, que d’une fourrière, qui étoit au dedans de ce retranchement, sortit un gros de plus de cent chevaux, à mon avis, qui nous vinrent charger. M. de Nérestan me dit lors : « Voici qui nous donnera des affaires ; » et se tournant vers le bataillon qui nous suivoit, il leur dit : « Présentez vos piques, mes enfans, et tenons ferme ; car après qu’ils auront vu que nous valons quelque chose, ils mettront de l’eau dans leur vin. » Sur cela je dirai une chose étrange : Un de nos enfans perdus qui étoit demeuré derrière (je n’ai jamais pu savoir depuis qui ce fut, si j’eus soin de le faire chercher), ayant une pique à la main, s’adressa à un chef qui marchoit vingt pas devant les autres, et donna un coup de pique dans l’estomac de son cheval ; le cheval se cabra, et lui rechargea un autre coup dans le ventre : celui qui étoit dessus, craignant d’être abattu, tourna à gauche, et à même temps tout son escadron tourna à gauche aussi, et alla passer sous une arche du pont, où il n’y avoit guère d’eau.

Le comte de Saint-Aignan faisoit combattre cet escadron, et nous le connûmes fort bien avec des armes moitié dorées en côtes, avec un chapeau gris et force plumes. Il étoit au côté gauche dudit escadron hors de rang : mais comme l’escadron gauchit, il fut emporté avec, et dans la foule le chapeau lui