Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 21 bis.djvu/131

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

hautement qu’il étoit bien aisé de commander de loin ce qu’il étoit impossible d’exécuter sans compassion extrême.

On fait compte de plus de huit cent mille de ces habitans ; de sorte que cette transmigration ne fut pas moindre que celle des Juifs hors de l’Égypte ; y ayant toutefois ces deux différences entre les deux, qu’en celle-là les Hébreux contraignoient les Égyptiens de les laisser aller, en celle-ci les Morisques sont contraints de sortir ; en celle-là les Hébreux s’en vont d’une terre étrangère pour sacrifier à Dieu, et passer en une abondante qui leur est promise ; en celle-ci les Morisques sortent de leur pays natal pour passer en une terre inconnue, où ils doivent vivre comme étrangers, non sans grand hasard d’abandonner le vrai culte de Dieu.

Le roi Henri-le-Grand, ayant avis que plusieurs de ces pauvres gens s’acheminoient en son royaume, qui est réputé par tout le monde l’asile des affligés, touché de compassion de leur misère, fit publier, au mois de février, une ordonnance qui obligeoit ses lieutenans et officiers à leur faire entendre, sur la frontière, que ceux qui voudroient vivre en la religion catholique, en faisant profession devant l’évêque de Bayonne, auroient ensuite permission de demeurer dans ses États, au-deçà des rivières de Garonne et de Dordogne, où ils seroient reçus faisant apparoître à l’évêque du diocèse où ils voudroient s’habituer, de l’acte de leur profession de foi.

Et quant aux autres qui voudroient vivre en la secte de Mahomet, on leur pourvoiroit de vaisseaux nécessaires pour les faire passer en Barbarie