Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 21 bis.djvu/257

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’inclination du Roi à l’aimer, pour se l’obliger et plaire à Sa Majesté tout ensemble, lui fit donner ledit gouvernement d’Amboise, que M. le prince remettoit entre les mains de Sa Majesté, espérant que, reconnoissant le bien qu’il avoit reçu de lui, il lui seroit un puissant instrument pour dissiper les mauvaises impressions qu’on donneroit au Roi à son désavantage. En quoi paroît combien est grand l’aveuglement de l’esprit de l’homme, qui fonde son espérance en ce qui doit être le sujet de sa crainte ; car le maréchal ne recevra mal que de celui de qui il attend tout le contraire, et Luynes, qu’il regardoit comme un des principaux appuis de sa grandeur, non-seulement le mettra par terre, mais ne bâtira sa fortune que sur les ruines de la sienne.

Il eut quelque peine à y faire consentir la Reine ; mais lui ayant représenté que le Roi avoit quelque inclination vers ledit de Luynes, et qu’entre ceux qui la suivoient il avoit meilleure part en son jeune esprit, elle crut faire bien de se l’acquérir pour serviteur, et lui acheta la ville et château d’Amboise plus de cent mille écus. En quoi elle commit une erreur assez ordinaire entre les hommes, d’aider ceux qu’ils voient s’élever plus qu’ils ne désireroient, n’osant ouvertement s’opposer à eux, et espérant de les pouvoir gagner par leurs bienfaits, sans prendre garde que cette considération-là n’aura pas un jour tant de force pour nous en leur esprit, qu’en aura contre nous le propre intérêt de leur ambition démesurée, qui ne peut souffrir de partager l’autorité qu’elle désire avoir seule, ni moins la posséder avec dépendance d’autrui.