Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 21 bis.djvu/440

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étoit de la partie, l’esprit de la Reine néanmoins ne pouvoit jamais être si préoccupé de leurs conseils, qu’elle ne fût toujours prête de recevoir et suivre les avis de ceux qu’elle avoit choisis pour l’assister dans l’administration des affaires.

Le commandeur de Sillery m’a confessé qu’il avoit reçu plusieurs commandemens d’elle d’avertir les grands de la cour qu’ils n’ajoutassent point de foi à ce que leur diroit ledit maréchal sur les affaires publiques, mais aux ministres par qui elle leur feroit savoir ses volontés ; mais que M. de Villeroy l’empêchoit par jalousie qu’il avoit de lui et de son frère, aimant mieux partager la puissance avec un étranger que de la laisser entière à ses proches.

La créance qu’il vouloit donner de son pouvoir ne nuisoit pas peu à sa fortune ; elle lui engendroit l’envie et la haine de tous les grands, qui le regardoient comme tenant le lieu qui leur étoit dû par leur naissance. S’il leur départoit quelques grâces et faveurs, elles lui étoient inutiles, à cause qu’ils estimoient le tort qu’il leur faisoit beaucoup plus grand que le plaisir qu’ils recevoient de lui ; outre que l’offense descend bien plus avant dans le cœur que n’y fait pas l’impression du bienfait, l’homme est naturellement plus enclin à vouloir rendre l’échange de l’injure que de la grâce, d’autant que par l’un il satisfait seulement à autrui, et par l’antre il se satisfait à soi-même. S’il faisoit quelque chose pour des personnes de moindre étoffe, elles pensoient qu’il étoit en lui de rendre leur condition beaucoup meilleure qu’il n’avoit fait, et partant lui en savoient peu de gré ; et généralement tous ceux qui n’obtenoient pas ce qu’ils