Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 21 bis.djvu/476

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c’eût été se perdre que vouloir résister à la furie des torrens.

Le jour de son départ étant arrêté au 3 de mai, comme elle veut partir on la conjure de s’arrêter cette journée pour éviter un mauvais dessein qui s’étoit formé et découvert contre sa personne. Elle crut au commencement que cet avis étoit faux ; mais elle changea d’opinion, ayant appris par le sieur de Bressieux, son premier écuyer, qu’un de ceux qui avoient conspiré la mort du maréchal étoit auteur d’une si détestable entreprise. Cependant sa première pensée étoit véritable ; il n’y avoit rien à craindre pour elle, mais beaucoup pour Luynes, qui avoit violé sa foi donnée solennellement à ses complices.

C’est la coutume des larrons de partager les choses qu’ils n’ont pas encore prises. Luynes, à leur imitation, n’avoit pas encore épandu le sang du maréchal qu’il avoit déjà ordonné de sa dépouille, où, s’étant réservé ce qu’il y avoit de meilleur, il avoit fait espérer à Travail l’archevêché de Tours. Ce malheureux, sur l’attente de ce bien imaginaire, ne contribua pas peu à sa mort, faisant connoître à ses ennemis le gain qu’ils avoient en sa perte, le peu de péril à l’entreprendre, et les moyens qu’il falloit tenir à l’exécuter avec succès.

Mais comme il arrive d’ordinaire, pour la confusion des méchans, que d’autres profitent de leur malice, Dieu permit que l’évêque de Bayonne tirât la récompense promise à sa faute.

Je ne veux pas m’étendre sur la violence dont on usa pour arracher cette pièce ; il me suffit de dire qu’on dépouilla un homme vivant sans l’accuser d’au-