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Reine ne disoit, et reçu instruction de Luynes de ce qu’il lui devoit répondre, lui dit seulement qu’il vouloit commencer à gouverner seul son État, qu’il en étoit temps, et qu’en tous lieux il lui témoigneroit qu’il étoit bon fils.

Il fut lors donné permission à un chacun de voir la Reine pour prendre congé d’elle ; les portes furent ouvertes à tous ceux qui la voulurent visiter ; le visage et la façon qu’avoient tous ceux qui la virent quand ils parlèrent à elle furent remarqués. Il y en eut peu néanmoins qui, par bienséance, manquassent à ce devoir ; tous les corps de la ville y furent : elle montroit à tous un même visage, une constance immobile, semblant plutôt s’aller promener en une de ses maisons qu’y être reléguée.

Elle part le 4, accompagnée de mesdames ses filles et de toutes les princesses qui la vinrent conduire hors de la ville, sans qu’elles lui fissent jamais répandre une larme au dernier adieu qu’elles lui dirent. On en fit divers jugemens, selon les différentes passions dont on étoit porté vers elle : les uns l’attribuoient à l’ébahissement et à l’horreur du coup qu’elle avoit reçu, qui lioit en elle le sentiment de la douleur, et tarissoit la source de ses larmes ; les autres l’interprétoient à dissimulation assez accoutumée à celles de sa nation ; ceux qui la favorisoient davantage l’imputoient à vertu et à force d’esprit.

Quelques-uns disoient que c’étoit une vraie insensibilité ; mais Luynes crut qu’un désir si enflammé de vengeance maîtrisoit son cœur qu’elle en perdoit le sentiment de pitié, même d’elle, dans le désastre où elle se voyoit : ce qui, ainsi qu’il le fortifia en l’opi-