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Aussi ne fut-elle recherchée pour ces crimes imaginaires qu’en apparence, mais en effet pour n’avoir pas refusé les libéralités de sa maîtresse. Si elle eût été moins riche elle eût été plus à couvert en sa mauvaise fortune ; elle eût servi plus long-temps si elle eût servi une princesse moins libérale : ses biens lui attirèrent pour ennemis et pires parties, des personnes dont le pouvoir n’étoit pas moindre que l’avarice, qui, disposant absolument des volontés du Roi, mandèrent aux juges par le duc de Bellegarde, qui les visita tous les uns après les autres pour leur donner cette impression, qu’ils n’estimoient pas que la Reine pût posséder sûrement sa vie si elle n’en étoit privée, qui, contre le sentiment des plus gens de bien, pour une faute étrangère, une action de piété et la vertu de sa maîtresse, la firent condamner à la mort par arrêt.

Quand on lui prononça sa sentence, elle fut surprise et s’écria : Oime poveretta ! car, s’assurant sur son innocence, elle n’attendoit rien moins que la mort, et ne savoit pas encore que toute personne qui est en la mauvaise grâce de son prince est en ce point-là seul atteinte et convaincue de tous crimes dans le jugement des hommes. Elle se résolut néanmoins incontinent à la mort, avec une grande constance et résignation à la volonté de Dieu.

Dès qu’elle entra en la prison, son esprit, qui étoit déjà blessé auparavant de tant d’imaginations mélancoliques, que non-seulement personne ne pouvoit souffrir son humeur, mais elle étoit insupportable à elle-même, revint à soi si parfaitement qu’elle n’eut jamais le sens meilleur qu’elle l’eut alors, et le conserva