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Les vices de sa nation n’ont point paru en lui ; l’assassinat de Prouville fut plutôt toléré que permis[1], et puis ce ne seroit pas une question peu problématique de disputer qu’un sergent-major d’une place comme la citadelle d’Amiens, qui a intelligence avec les ennemis de celui qui l’a mis en charge, peut être justement traité du poignard.

Quant à la maréchale, elle s’appeloit Leonora Gay, et changea de surnom pour déguiser la bassesse de son extraction, laquelle étant obscure facilita ce changement sans qu’on s’en aperçût. Elle étoit fille d’un menuisier ; sa mère fut nourrice de la Reine, de laquelle partant elle fut sœur de lait, plus âgée qu’elle de quinze ou vingt mois, et nourrie dans le palais auprès d’elle. Avec l’âge crut leur amitié : la fidélité, le soin, l’assiduité de Leonora à servir sa jeune maîtresse n’avoit point de semblable ; la tendresse de la reconnoissance de la princesse vers sa servante en avoit encore moins ; aussi se rendit-elle si adroite et si savante en toutes les propretés et gentillesses dont la jeunesse des filles se pare et orne ses beautés, qu’il sembloit à sa maîtresse qu’elle étoit seule au monde, et qu’elle n’en pourroit jamais recouvrer une telle si elle la perdoit.

Ce besoin que sa maîtresse ressentoit plutôt qu’elle ne pensoit avoir d’elle, lui fit donner une telle part en sa confiance, qu’il n’y avoit point pour elle de secret dans son cœur. Le Grand-Duc n’étoit pas marri qu’une fille de sa condition, des volontés de laquelle

  1. Fut plutôt toléré que permis : « Ventre Saint-Paul, s’écria le maréchal d’Ancre quand il apprit que cet officier avoit été tué, il falloit lui faire affront et lui donner les étrivières, et non l’assassiner. »