Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 21 bis.djvu/506

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contre elle assez impudemment, recevoient tous, chacun à leur condition, peu favorable traitement. De sorte que s’il y avoit autrefois presse à mendier ses bienfaits, il y en avoit maintenant davantage à dénier qu’on en eût reçu ; et si quelqu’un, touché de compassion du changement qu’on voyoit en elle, lâchoit quelque parole à son avantage, le bruit n’en venoit pas sitôt aux oreilles de ceux qui la craignoient, qu’ils imputoient tels sentimens à crime, et l’accusoient de ne pas approuver les actions du Roi, donnant ainsi à entendre qu’elle gagnoit par faction et cabale secrètes les langues et les cœurs des personnes qui se portoient à la plaindre par raison.

Au sortir de Paris je l’accompagnai, recevant plus de consolation en la part que je prenois en son affliction, que je n’en eusse pu recevoir en la communication que ses ennemis me voulurent faire de leurs biens. J’en voulus avoir une permission expresse du Roi par écrit, de peur qu’ils ne me rendissent puis après coupable de l’avoir suivie, et soutinssent que je l’avois fait de mon mouvement. Je savois bien l’épineuse charge que ce m’étoit de demeurer auprès de la Reine, mais j’espérois me conduire avec tant de candeur et de sincérité que je dissiperois toutes les ténèbres de la malice conjurée contre moi ; et pour m’aider à y parvenir, je conseillai incontinent à la Reine d’envoyer querir le père Suffren, personnage de grande piété et de simplicité, éloigné de menées et d’artifices, et qui n’en laisseroit pas prendre la pensée seulement à la Reine jusqu’à l’extrême nécessité. Le bon père néanmoins ne vint pas trop tôt, comme il avoit été mandé, mais seulement quelques mois après.