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DE LA DUCHESSE DE NEMOURS. [1649]

frondeurs avec la cour contre M. le prince, qu’elle voyoit bien que M. le cardinal ne pouvoit jamais aimer. Quoique M. le prince fût assez puissant, il ne l’étoit pourtant point autant qu’on se le figuroit. Il y avoit assurément beaucoup d’imagination à le croire si redoutable, et beaucoup de foiblesse et d’ignorance à le craindre tant.

Madame de Chevreuse, qui revenoit de Flandre, n’étant point préoccupée de cette crainte et de cette créance universelle, comme ceux qui étoient demeurés dans le royaume, en jugea plus sainement. C’est aussi ce qui la rendit plus hardie à agir contre lui et à proposer sa prison.

[1650] Après les premiers pas de cette dame, le coadjuteur vint en habit déguisé voir le cardinal Mazarin. M. le prince qui sut cette visite en parla au cardinal, lequel sut lui tourner fort ridiculement et le coadjuteur, et son habit de cavalier, et ses plumes blanches, et ses jambes tortues ; et il ajouta encore, à tout le ridicule qu’il lui donna, que s’il revenoit une seconde fois déguisé il l’en avertiroit, afin qu’il se cachât pour le voir, et que cela le feroit rire. En trompant ainsi M. le prince, il sut lui ôter si bien jusqu’aux moindres soupçons de la vérité, que ce prince continua toujours son procès criminel contre les frondeurs sans aucune appréhension.

Mais ce qu’il y avoit de plus embarrassant pour l’exécution de ce qu’on machinoit contre M. le prince, c’est qu’il étoit absolument nécessaire que M. le duc d’Orléans donnât son consentement, comme lieutenant général de la régence : et ce duc étoit entièrement gouverné par l’abbé de La Rivière, qui ne pa-