Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 37.djvu/129

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La reine d’Angleterre vint à Paris à peu près dans ce même temps. Il y avoit trois ou quatre mois quelle étoit à Bourbon. La Reine la fut recevoir avec le Roi et le duc d’Anjou, le véritable Monsieur, jusque hors de la ville. Ces deux grandes princesses s’embrassèrent avec tendresse et amitié, et se firent mille complimens qui ne tenoient rien du compliment. On la mena loger au Louvre qui pour lors étoit abandonné, et pour maison de campagne on lui donna Saint-Germain. Comme les affaires du Roi étoient en bon état, et que la guerre n’avoit point encore ruiné les finances royales, on lui donna ensuite une pension de dix ou douze mille écus par mois, et en toutes choses elle eut grand sujet de se louer de la Reine.

Cette princesse étoit fort défigurée par la grandeur de sa maladie et de ses malheurs, et n’avoit plus guère de marques de sa beauté passée. Elle avoit les yeux beaux, le teint admirable, et le nez bien fait. Il y avoit dans son visage quelque chose de si agréable qu’elle se faisoit aimer de tout le monde ; mais elle étoit maigre et petite : elle avoit même la taille gâtée ; et sa bouche, qui naturellement n’étoit pas belle, par la maigreur de son visage étoit devenue grande. J’ai vu de ses portraits, qui étoient faits du temps de sa beauté, qui montroient qu’elle avoit été fort aimable : et comme sa beauté n’avoit duré que l’espace du matin et l’avoit quittée avant son midi, elle avoit accoutumé de maintenir que les femmes ne peuvent plus être belles passé vingt-deux ans. Pour achever de la représenter telle que je l’ai vue, il faut avouer qu’elle avoit infiniment de l’esprit, de cet esprit brillant qui plaît aux spectateurs. Elle étoit agréable dans