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Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 37.djvu/134

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aimoit celui qu’on lui donnoit ; et, comme ambitieuse et prudente, elle n’étoit pas fâchée de trouver un aussi bon parti que l’étoit pour elle le comte de Châtillon, trop grand seigneur par sa naissance pour manquer d’avoir de grands établissemens à la cour, soit par le duc d’Enghien, soit par lui-même. J’ai ouï dire qu’elle ne sentit guère la perte de la galanterie de ce prince ; et la seule peine qu’elle en eut fut de savoir que, pour plaire à mademoiselle Du Vigean, il avoit fait contre elle des railleries un peu trop fortes pour être reçues avec indifférence. Le même jour de l’enlèvement il conta à madame de Longueville et à mademoiselle de Rambouillet, depuis madame de Montausier, en des termes assez offensans, qu’elle avoit eu beaucoup de facilité à se résoudre à cette aventure, et ne l’épargna pas sur aucun article. Cet enlèvement se fit avec assez de rumeur et d’accidens fâcheux, qui lui furent un pronostic assuré du peu de bonheur de son mariage. Madame de Valence sa sœur aînée, la ramenant chez elle, fut étonnée de voir des gens à la porte de sa maison qui prirent mademoiselle de Boutteville et l’emportèrent entre les bras de son ravisseur. Il l’attendoit proche de cette maison dans un carrosse à six chevaux prêt à faire voyage. Mademoiselle de Boutteville fit semblant de crier, afin de cacher à ses proches l’agrément qu’elle avoit donné à cette action. Quelques valets les vouloient défendre, et le suisse de madame de Valence y fut tué, qui paya de son sang et de sa vie les plaintes du monde les moins tristes. Ces deux aimables personnes, étant sorties de Paris, quittèrent le carrosse pour aller plus vite : ils prirent des chevaux, et se hâtèrent d’aller