Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 37.djvu/39

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lité fût mal expliquée. Elle n’oublia rien pour sa justification, et s’emporta même, à ce que j’ai ouï dire à ces mêmes témoins, à des reproches qui pouvoient déplaire à sa maîtresse, et qui ne furent pas approuvés de ses amis. La Reine fut surprise de la voir inopinément en ce lieu ; mais, sans en témoigner de la peine, elle lui dit qu’elle étoit bien aise de la supercherie qu’elle leur avoit faite, et qu’elle eût appris par elle-même ce qu’elle venoit de commander à Beringhen de lui dire. Les larmes furent grandes du côté de l’accusée, et les sentimens de même ; mais enfin ayant témoigné un grand désir de ne plus déplaire à celle à qui elle devoit toutes choses, elle lui dit tout ce qu’elle put pour justifier ses intentions et l’emportement qu’elle avoit eu d’abord : elle promit de suivre entièrement les volontés de la Reine en se faisant amie du cardinal. La Reine, qui étoit bonne et naturellement aimable, lui pardonna de bonne grâce, et, lui donnant sa main à baiser, lui dit en riant, pour apaiser son amertume : « Il faut donc aussi, madame, baiser le petit doigt, car c’est le doigt du cœur, afin que la paix soit parfaite entre nous. » Ce procédé si doux et si obligeant devoit produire un attachement entier en madame de Hautefort pour toutes les volontés de la Reine, car elle étoit infiniment louable de l’avoir traitée si cordialement. Mais sa bonté ne fut point récompensée ; et le tempérament, qui se change difficilement, portant madame de Hautefort à désapprouver ce qui n’étoit pas dans son sens, il lui fut impossible de montrer le contraire de ce qu’elle pensoit. Cette sincérité, peu de temps après, lui causa la perte entière des bonnes grâces de la Reine.