Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 37.djvu/85

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la signora Leonor, una virtuosa que le cardinal avoit fait venir d’Italie, et qui avoit la voix belle. Elle prenoit tous les plaisirs innocens que la beauté et la commodité de ce lieu lui pouvoient permettre ; mais il plut au peuple de Paris de s’émouvoir sur certains impôts qu’on avoit voulu mettre sur les maisons. Le Roi et elle en partirent au bout de six semaines, avec beaucoup de précipitation, pour les aller apaiser ; et toute la cour les suivit volontiers pour retourner à Paris.

Pendant le séjour de la Reine à Ruel, un jour qu’elle se promenoit dans les allées du jardin en calèche, elle remarqua que Voiture[1] rêvoit en se promenant. Cet homme avoit de l’esprit, et par l’agrément de sa conversation il étoit le divertissement des belles ruelles des dames qui font profession de recevoir bonne compagnie. La Reine, pour faire plaisir à madame la princesse qui l’aimoit, et qui étoit assise auprès d’elle, lui demanda à quoi il pensoit ? Alors Voiture, sans beaucoup songer, fit des vers burlesques pour répondre à la Reine, qui étoient plaisans et hardis. Elle ne s’offensa point de cette raillerie ; elle les a trouvés si jolis qu’elle les a tenus long-temps dans son cabinet. Elle m’a fait l’honneur de me les donner depuis ; et, par les choses que j’ai déjà dites de sa vie, il est aisé de les entendre. Ils étoient tels :

  1. Voiture : Vincent Voiture, né en 1598, mort en 1648. Il fut l’un des premiers membres de l’Académie française, et jouit d’une grande réputation. Ses écrits en vers et en prose ont contribué aux progrès de la langue ; mais ils pèchent par trop d’affectation. L’un de ses meilleurs morceaux de prose est une lettre sur la campagne de 1636, que nous avons placée dans le onzième volume de cette série.