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MÉMOIRES

noble vénitienne, et qui étoit une des personnes du monde les plus jolies. Le président de Maillé, ambassadeur pour le Roi, qui savoit le péril qu’il y a en ce pays-là pour ces sortes d’aventures, me commanda d’en sortir. Je fis le tour de la Lombardie, et je me rendis à Rome sur la fin de septembre. M. le maréchal d’Estrées y étoit ambassadeur. Il me fit des leçons sur la manière dont je devois vivre, et ces leçons me persuadèrent. Quoique je n’eusse aucun dessein d’être d’Église, je me résolus à tout hasard d’acquérir de la réputation dans une cour ecclésiastique où l’on me verroit avec la soutane. J’exécutai fort bien ma résolution ; je ne laissai pas la moindre ombre de débauche ou de galanterie ; je fus modeste au dernier point dans mes habits : et cette modestie qui paroissoit dans ma personne étoit relevée par une très-grande dépense, par de belles livrées, par un équipage fort leste, et par une suite de sept ou huit gentilshommes, dont il y en avoit quatre chevaliers de Malte. Je disputai dans les écoles de sapience, qui ne sont pas à beaucoup près si savantes que celles de Sorbonne ; et la fortune contribua encore à me relever. Le prince de Schomberg, ambassadeur d’obédience de l’Empire, m’envoya dire, un jour que je jouois au ballon dans les Thermes de l’empereur Antonin, de lui quitter la place. Je lui fis répondre qu’il n’y avoit rien que je n’eusse rendu à Son Excellence si elle me l’eût demandé par civilité ; mais puisque c’étoit un ordre, j’étois obligé de lui dire que je n’en pouvois recevoir d’aucun ambassadeur que de celui du Roi mon maître. Comme il insista, et qu’il m’eut fait dire pour la seconde fois par un de ses estafiers de sortir du jeu,