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MÉMOIRES

mon cœur n’avoir jamais été de cette entreprise. L’ancienne Rome l’auroit estimée : mais ce n’est pas par cet endroit que j’estime l’ancienne Rome. Je ressens avec tant de reconnoissance et avec tant de tendresse la bonté que vous avez de vouloir bien être informée de mes actions, que je ne me puis empêcher de vous rendre compte de toutes mes pensées : et je trouve un plaisir incroyable à les aller chercher dans le fond de mon ame, à vous les apporter et à vous les soumettre.

Il y a assez souvent de la folie à conjurer ; mais il n’y a rien de pareil pour faire les gens sages dans la suite, au moins pour quelque temps. Comme le péril, dans ces sortes d’affaires, dure même après les occasions, l’on est prudent et circonspect dans les momens qui le suivent.

Le comte de La Rochepot, voyant que notre coup étoit manqué, se retira à Commercy, qui étoit à lui, pour sept ou huit mois. Le marquis de Boissy alla trouver M. le duc de Rouanez, son père, en Poitou. Pienne, La Frette et L’Etourville prirent le chemin des lieux de leurs maisons. Mes attachemens me retinrent à Paris, mais si serré et si modéré que j’étudiois tout le jour, et que le peu que je paroissois laissoit toutes les apparences d’un bon ecclésiastique. Nous les gardâmes si bien les uns et les autres, que l’on n’eut jamais le moindre vent de cette entreprise pendant le temps de M. le cardinal de Richelieu, qui a été le ministre du monde le mieux averti. L’imprudence de La Frette et de L’Etourville fit qu’elle ne fut pas secrète après sa mort. Je dis leur imprudence : car il n’y a rien de plus mal habile que de se faire croire capable des choses dont les exemples sont à craindre.