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MÉMOIRES

cée : rien moins. M. le comte est tué dans le moment de sa victoire ; et il est tué au milieu des siens, sans qu’il y en ait jamais eu un seul qui ait pu dire comment la chose est arrivée. Cela est incroyable, et cela est pourtant vrai[1].

Jugez de l’état où je fus quand j’appris cette nouvelle ! M. le comte de Cramail, le plus sage assurément de toute notre troupe, ne songea plus qu’à couvrir le secret, qui du côté de Paris n’étoit qu’entre six personnes. C’étoit toujours beaucoup ; mais le manquement de secret étoit encore plus à craindre du côté de Sedan, où il y avoit des gens beaucoup moins intéressés à le garder ; parce que, ne revenant point en France, ils avoient moins de lieu d’en appréhender le châtiment. Tout le monde fut cependant également religieux. Messieurs de Vitry et de Cramail, qui avoient au commencement balancé à se sauver, se rassurèrent. Personne du monde ne parla ; et cette réflexion, jointe à une autre dont je vous parlerai dans la suite de ce discours, m’a obligé de penser et de dire souvent que le secret n’est pas si rare qu’on le croit entre des gens qui ont accoutumé de se mêler des grandes affaires.

La mort de M. le comte me fixa dans ma profession, parce que je crus qu’il n’y avoit plus rien de considérable à faire, et que je me croyois trop âgé pour en sortir par quelque chose qui ne fût pas considérable. D’ailleurs la santé de M. le cardinal de Richelieu s’af-

  1. Cela est incroyable, et cela est pourtant vrai : « La bataille de la Marfée, dit le président Hénault, fut donnée le 6 juillet 1641. Le comte de Soissons la gagna, mais il fut tué sans qu’on ait jamais bien su par qui, ni comment. »