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Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 44.djvu/138

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MÉMOIRES

éclats de rire que vous pouvez vous imaginer ; et nous fîmes lui et moi dans le moment même deux réflexions, que nous nous communiquâmes dès le lendemain matin. Il me jura que la première apparition de ces fantômes imaginaires lui avoit donné de la joie, quoiqu’il eût toujours cru auparavant qu’il auroit peur s’il voyoit jamais quelque chose d’extraordinaire ; et je lui avouai que la première vue m’avoit ému, quoique j’eusse souhaité toute ma vie de voir des esprits. La seconde observation que nous fîmes fut que tout ce que nous lisons dans la vie de la plupart des hommes est faux. M. de Turenne me jura qu’il n’avoit pas senti la moindre émotion ; et il convint que j’avois eu sujet de croire, par son regard fixe et son mouvement si lent, qu’il en avoit eu beaucoup. Je lui confessai que j’en avois eu d’abord ; et il me protesta qu’il auroit juré sur son salut que je n’avois eu que du courage et de la gaieté. Qui peut donc écrire la vérité, que ceux qui l’ont sentie ? Le président de Thou a eu raison de dire qu’il n’y a de véritables histoires que celles qui ont été écrites par des hommes qui ont été assez sincères pour parler véritablement d’eux-mêmes. Ma morale ne tire aucun mérite de cette sincérité : car je trouve une satisfaction si sensible à vous rendre compte de tous les replis de mon ame et de ceux de mon cœur, que la raison à mon égard a eu beaucoup moins de part que le plaisir dans la religion, et l’exactitude que j’ai pour la vérité.

Mademoiselle de Vendôme conçut un mépris inconcevable pour le pauvre Brion, qui en effet avoit fait voir aussi de son côté, dans cette ridicule aventure, une foiblesse inimaginable. Elle s’en moqua avec