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MÉMOIRES

mais vous le serez sans doute de ce que personne ne s’aperçut des suites. Ce coup de vigueur, fait dans un temps où l’autorité étoit si douce qu’elle étoit comme imperceptible, fit un très-grand effet. Il n’y avoit rien de si facile par toutes les circonstances que vous avez vues ; mais il paroissoit grand, et tout ce qui est de cette nature est heureux, parce qu’il a de la dignité et n’a rien d’odieux. Ce qui attire assez souvent je ne sais quoi d’odieux sur les actions des ministres même les plus nécessaires, c’est que pour les faire ils sont presque toujours obligés de surmonter des obstacles, dont la victoire ne manque jamais de porter avec elle de l’envie et de la haine. Quand il se présente une occasion considérable, dans laquelle il n’y a rien à vaincre parce qu’il n’y a rien à combattre (ce qui est fort rare), elle donne à leur autorité un éclat pur, innocent, non mélangé, qui ne l’établit pas seulement, mais qui leur fait même tirer dans la suite du mérite de tout ce qu’ils ne font pas, presque également que de tout ce qu’ils font.

Quand on vit que le cardinal avoit arrêté celui qui, cinq ou six semaines auparavant, avoit ramené le Roi à Paris avec un faste inconcevable, l’imagination de tous les hommes fut saisie d’un étonnement respectueux ; et je me souviens que Chapelain, qui enfin avoit de l’esprit, ne pouvoit se lasser d’admirer ce grand événement. On se croyoit bien obligé au ministre de ce que toutes les semaines il ne faisoit pas mettre quelqu’un en prison, et l’on attribuoit à la douceur de son naturel les occasions qu’il n’avoit pas de mal faire. Il faut avouer qu’il seconda fort habilement son bonheur. Il donna toutes les appa-