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DU CARDINAL DE RETZ.

Lorraine[1] qui parloit au suffragant de Metz. Cette expression, que la chaleur me mit à la bouche, réjouit les assistans, qui étoient en grand nombre. Je ramenai les députés du chapitre dîner chez moi ; et nous nous préparions pour retourner aussitôt à Paris, quand nous vîmes entrer M. le maréchal d’Estrées[2] qui venoit pour m’exhorter de ne point rompre, et pour me dire que les choses pouvoient s’accommoder. Comme il vit que je ne me rendois pas à son conseil, il s’expliqua nettement, et m’avoua qu’il avoit ordre de la Reine de m’obliger à aller chez elle. Je ne balançai point ; j’y menai les députés. Nous la trouvâmes radoucie, bonne, changée à un point que je ne puis vous exprimer. Elle me dit, en présence des députés, qu’elle m’avoit voulu voir, non pas pour la substance de l’affaire pour laquelle il seroit aisé de trouver des expédiens, mais pour me faire une réprimande de la manière dont j’avois parlé à ce pauvre M. le cardinal, qui étoit doux comme un agneau, et qui m’aimoit comme son fils. Elle ajouta à cela toutes les bontés possibles, et elle finit par un commandement qu’elle fit au doyen et aux députés de me mener chez M. le cardinal, et d’aviser ensemble ce qu’il y auroit à faire. J’eus un peu de peine à faire ce pas, et je marquai à la Reine qu’il n’y auroit eu qu’elle au monde qui m’y auroit pu obliger.

Nous trouvâmes le ministre encore plus doux que la maîtresse : il me fit un million d’excuses du terme insolemment. Il me dit (et il pouvoit être vrai) qu’il

  1. Charles de Lorraine, évêque de Metz. (A. E.)
  2. François-Annibal d’Estrées, mort en 1670, âgé de quatre-vingt-dix-huit ans. (A. E.)